Les « Dieux » sont de retour chez Toyota, des Hommes reprennent leur emploi à des robots

Mitsuru KawaiDepuis plusieurs décennies Toyota fait figure de précurseur dans son approche industrielle. On lui doit bien évidement les méthodes de Lean Manufacturing chères aux adeptes de Kaizen, kanban, just-in-time, etc.. Dans sa logique d’amélioration, le constructeur Japonais a décidé d’aller à l’encontre des idées reçues en matière d’automatisation des structures industrielles.
Qu’il est bon de voir que de grandes entreprises pensent encore à mettre l’homme en avant. Qu’il est bon de lire que celles-ci ont compris que seul l’homme sait améliorer les choses. Recentrer le travail sur l’homme afin qu’il accroisse son expertise et qu’il fasse progresser l’entreprise autant que lui-même. C’est ce qu’à compris Toyota qui expérimente des organisations qui parient sur ses salariés et qui acceptent de faire 2 pas en arrière pour en faire 3 en avant plus tard. J’ai traduit pour vous un article paru sur le site www.japantimes.co.jp qui explique le choix de la firme japonaise. Voici cet article :


« Les ‘Dieux’ sont de retour chez Toyota, des Hommes reprennent leur emploi à des robots »
Par Craig Trudell, Yuki Hagiwara et Ma Jie – 7 avril 2014 – Traduction: E. Fragnières

Au sein de la plus ancienne usine de Toyota Motor Corp, les humains ont repris le relève des robots dans l’atelier de forge des vilebrequins. C’est la vision du futur de Mitsuru Kawai.

« Nous devons devenir plus solides et revenir à l’essentiel, aiguiser nos compétences manuelles et les développer davantage», a déclaré Mitsuru Kawai, toyotiste depuis un demi-siècle et chargé par le président Akio Toyoda pour promouvoir l’expertise dans les usines de Toyota. « Quand j’étais novice, les habitudes étaient d’appeler les maîtres expérimentés des « Dieux », ils pouvaient tout faire. »

Ces dieux, ou « Kami-sama » en japonais, sont de retour chez Toyota, l’entreprise qui depuis longtemps donne le « la » en matière de prouesses manufacturières dans l’industrie automobile et autres. A l’ère de l’automatisation, la prochaine étape de Toyota sera contre-intuitive : Les hommes prendront la place des machines dans les usines à travers le Japon, ceci afin que les travailleurs puissent acquérir de nouvelles compétences et puissent trouver les moyens d’améliorer les lignes de production ainsi que les process de construction des voitures.

« Toyota voit les ouvriers qui travaillent dans les usines comme des artisans qui ont besoin de continuer à affiner leur niveau d’expertise et de compétence», a déclaré Jeff Liker, qui a écrit huit livres sur Toyota et visité Mitsuru Kawai l’an passé. «Dans presque toutes les entreprises que vous pourriez visiter, le job du travailleur est de nourrir les machines en matière première et d’appeler quelqu’un à l’aide en cas de panne. »

Le retour des « Kami-sama » est emblématique de la façon dont Akio Toyoda, 57 ans, est en train de remodeler la société fondée par son grand-père. Président Directeur Général, il s’est engagée à recadrer les priorités vers la qualité et vers une efficacité propre à une mentalité de croissance. Il a choisi de freiner l’expansion du plus grand fabricant d’automobile du monde par un gel de trois ans sur les implantations de nouvelles usines de voitures.

L’importance de donner suite à cette impulsion été renforcée par les millions de voitures que General Motors Co. a du rappeler pour cause de contact défectueux et qui ont provoqué 13 décès.

« En cas de croissance trop rapide, Akio Toyoda craignait que la compagnie ne trouve plus, ni le temps de se battre, ni le temps d’apprendre », dit Jeff Liker, qui a rencontré Akio Toyoda en Novembre. « Il sentait que Toyota était atteinte de la maladie des mega-entreprises qui sont trop obnubilées à sortir du produit. »

Le temps que le gel des implantations et que le redéploiement du travail manutentionné puissent porter leurs fruits sur le long terme, il se pourrait que cela génère une perte de la croissance des ventes à court terme et une facilité à General Motors, Volkswagen AG à défier Toyota en approfondissant leur emprise sur des marchés porteurs tels que celui de la Chine.

L’effort vient que Toyota revoit son développement des véhicules au bénéfice de celui des plates-formes de fabrication qui pourraient réduire leurs coûts de 30%. Il souligne également un engagement de Toyota à maintenir la production annuelle de 3 millions de véhicules au Japon.

Apprendre à faire des pièces de voiture à partir de zéro donne aux jeunes travailleurs une perspicacité qu’ils n’auraient jamais acquis en ne faisant que prélever des pièces dans des bacs, sur des tapis de convoyage, ou en n’appuyant que sur les touches d’une machine. Avec environ 100 espaces de travail manutentionné intensif introduits au cours des trois dernières années dans les usines de Toyota au Japon, des leçons pourront être tirées afin de reprogrammer les machines dans un objectif de réduction des déchets et d’amélioration des Process de fabrication, déclare Mitsuru Kawai.

Dans le département des forges de l’usine Toyota de Honsha, Mitsuru Kawai supervise lui-même le travail des opérateurs dans le cadre des opérations de torsion, de tournage et de martelage du métal pour la fabrication des vilebrequins, un process qui est habituellement automatisé. Il y a 3 ans, ces expériences ont conduit à des innovations en matière de réduction du nombre de défauts structurels du métal et à raccourcir la ligne de production de 96% de sa longueur.

Toyota a éliminé environ 10% des déchets de matière liés à la fabrication des vilebrequins à Honsha. Mitsuru Kawai a déclaré que le but est d’appliquer ces économies à la prochaine génération de la Prius hybride.

Le déploiement s’étend au-delà du secteur des vilebrequins. Mitsuru Kawai se penche sur le travail manutentionné pour aider les travailleurs de Honsha à améliorer aussi la production des essieux et réduire les coûts de fabrication de pièces de châssis.

Quoique Mitsuru Kawai n’envisage pas le jour où son employeur se débarrassera des robots – 760 d’entre eux prennent part à 96% du processus de production dans l’usine de Motomachi au Japon – il a mis en place plusieurs lignes dédiées au travail manutentionné dans chacune des usines Toyota dans son pays d’origine.

« Nous ne pouvons pas dépendre uniquement des machines qui répètent la même tâche encore et encore », a déclaré Mitsuru Kawai. « Pour être le maître de la machine, vous devez avoir les connaissances et les compétences nécessaires pour renseigner la machine. »

Mitsuru Kawai, 65 ans, a commencé chez Toyota à l’époque de Taiichi Ohno, le père du TPS (Toyota Production System) envié par l’industrie automobile depuis des décennies grâce à sa combinaison d’efficacité et de qualité. Cela signifie que Mitsuru Kawai a vécu la plupart de sa vie en adhérant aux principes de la philosophie « Kaizen » (l’amélioration continue) et du « Monozukuri », qui se traduit par l’art de faire les choses.

« Les machines entièrement automatisées n’évoluent pas par elles-même », a déclaré Takahiro Fujimoto, un professeur au Centre de recherche en management de production de l’Université de Tokyo. «La mécanisation en elle-même ne nuit pas, mais s’en tenir uniquement à la mécanisation peut conduire à une mise à l’écart des principes du Kaizen et de l’amélioration continue. »

Akio Toyoda se tourna vers Mitsuru Kawai pour recréer l’atmosphère de la Division Consultante en Management des Opérations de Toyota, créé en 1970 par Taiichi Ohno. Tôt dans sa carrière, Akio Toyoda a travaillé dans cette division, dont les principes sont maintenant déployés dans les usines de Toyota et de ses fournisseurs de pièces dans les buts de réduire les déchets et de sensibiliser les employés.

Aux nouveaux arrivants à la division, comme Akio Toyoda à l’époque, on pourrait donner un temps de trois mois pour mener à bien un projet comme par exemple la mise en place d’un quais de chargement de pièces fournisseur pour lequel leur hiérarchique direct, lui, aurait fini en trois semaines, dit Jeff Liker. Il se pourrait même qu’un de ceux-ci trouve les solutions en trois jours.

« Mais personne ne donnera les solutions tout comme cela a été fait à Akio Toyoda lorsqu’il travaillait au sein de la division. Il devra se battre, pendant les 3 mois qu’on lui octroie » Il m’a dit que c’était cette notion que Toyota avait perdu dans la période de temps où le groupe été trop rapide. C’était maintenant sa principale préoccupation.

A la fin du siècle dernier, au beau milieu de son ascension vers le sommet de l’industrie automobile – Toyota s’était fixé comme objectif pour 2014 de vendre plus de 10 millions de véhicules, une étape qu’aucun constructeur automobile n’avait jamais franchie – la société augmentait ainsi la production par plus de un demi-million de véhicules par an.

Un an après la faillite de Lehman Brothers Holdings Inc. en 2008 la demande en voitures à dégringolé. Toyota a commencé à rappeler plus de 10 millions de véhicules pour résoudre les problèmes liés à une problème d’accélération involontaire, ce qui a énormément nuit à sa réputation de qualité.

Le mois dernier, l’entreprise a consenti à payer une pénalité record de 1,2 milliards de dollars suite à l’information apportée par le ministère de la Justice des États-Unis, qui a prouvé que Toyota avait caché l’information et trompé le public à l’époque. Les législateurs envisagent maintenant des amendes et proposent des sanctions pénales pour les entreprises, ceci depuis que General Motors a pris plus d’une décennie pour dévoiler les vices présents et connus dans leurs voitures.

En conséquence de cette crise, Akio Toyoda met en stand-by les annonces de toute nouvelle centrale d’assemblage de voitures alors que GM et VW ne regardent pas à la dépense pour créer de nouvelles capacités.

Dans les années qui ont précédé les rappels, Mitsuru Kawai a également été de plus en plus préoccupé par le fait que Toyota grandissait trop vite, dit-il. La façon pour lui d’aider à éviter que cela recommence est d’aider l’homme à garder un œil sur les machines.

« Si un jour, il existe une technologie qui est sans défaut et qui peut faire des produits toujours parfaits, alors nous serons prêts à vouloir installer cette machine», a déclaré Mitsuru Kawai. « Seulement Il n’y a pas de machine qui est éternellement stable. »


La démarche de Toyota est très intéressante car ils mettent le doigt sur le fait que l’automatisation faite trop rapidement est synonyme d’une perte de maîtrise qui se traduit par des coûts de déchets élevés.

Fidèles à eux-mêmes lorsqu’il faut se poser les bonnes questions, Toyota rapproche industrie et humanisme, ces deux frères ennemis qui n’ont malheureusement pas cessé de s’éloigner depuis plusieurs années voir plusieurs décennies. A suivre…

A bientôt

Emmanuel

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